Depuis 2007, le cabinet de conseil McKinsey publie, en anglais, les rapports Women Matter, Women in the Workplace et Power of Parity, consacrés à la place des femmes dans les entreprises du point de vue économique. Pour le cabinet, la question de la parité est non seulement un impératif moral, mais aussi un impératif économique. En 2017, à l’occasion des 10 ans de ces rapports, le cabinet publie – Women Matter – Time to accelerate – 10 years of insight into gender diversity, qui aborde les 10 points importants à retenir de 10 ans d’observation.

Nous résumons ici ces 10 points. Le rapport propose parfois des “focus” sur certaines régions du monde, que nous rapportons lorsqu’il s’agit de l’Europe ou de la France. Le rapport, 82 pages, est disponible dans son intégralité ici:

Women Matter 2017 – 10 years

Globalement, les femmes représentent 50% de l’humanité et génèrent 37% du PIB mondial. 25% seulement occupent des postes managériaux.

 

Croissance et performance :

  • réduire, voire fermer, le gender gap d’ici 2025 pourrait permettre de doubler la contribution des femmes et ajouter 12 milliards de dollars à la croissance annuelle du PIB mondial (dont 2.1 milliards pour l’Europe de l’ouest).
  • Augmenter la place des femmes permet d’affronter le problème de la baisse de la force de travail due au vieillissement de la population dans certaines régions du monde. Le cabinet prévoit une “guerre des talents” à venir, que le recrutement de femmes peut permettre de gagner.
  • La parité demeure particulièrement difficile à atteindre dans le secteur des STEM (Science Technologie Ingénierie et Mathématiques). Au niveau mondial, en 2017, il y avait 19% de femmes dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, 24% en ingénierie.
  • Au niveau micro-économique, il est prouvé qu’une diversité de genre au niveau du management est corrélée à une meilleure efficacité dans l’organisation et à de meilleurs résultats financiers. La diversité des types de leaderships (9 dans l’étude) a une répercussion directe sur les résultats d’une entreprise.

Des progrès lents

  • Dans le monde, les niveaux d’inégalités demeurent très hauts, en termes d’accès aux mêmes droits/protections/accès à l’emploi que les hommes.
  • En 2017,  dans les pays du G20, 17 % (39% en France, +30% par rapport à 2007) des membres des conseils d’administration et 12 % (14% en France) des membres des comités exécutifs des 50 premières sociétés cotées en bourse sont des femmes. 8 pays d’Europe de l’ouest ont mis en place des quotas pour ce qui est des comités exécutifs.

Le problème n’est pas l’ambition

  • Au niveau mondial, les femmes ont autant l’ambition que les hommes de parvenir à des postes à responsabilité, mais elles ont moins confiance que les hommes en leurs chances d’y parvenir. Elles sont presque autant que les hommes (61% contre 64%) prêtes à sacrifier une part de leur vie personnelle pour y parvenir.
  • La confiance en elles des femmes repose principalement sur des facteurs collectifs (environnement de travail et culture d’entreprise, deux fois plus que sur des facteurs individuels (comme la confiance en ses propres compétences).
  • En Europe et Turquie, l’étude montre que 26% des femmes pensent que le genre joue un rôle dans le processus de promotion, et 41% qu’il est plus difficile pour une femme d’obtenir une augmentation de salaire ou d’être promue. Parmi les hommes et femmes ayant l’ambition d’atteindre des postes de direction, 25% seulement des femmes pensent qu’elles vont y parvenir (contre 42% des hommes).

Des obstacles dans la société et les entreprises

  • La parité dans le monde du travail est corrélée avec celle de l’égalité de genre dans la société en général. En moyenne, dans le monde, les femmes assurent trois fois plus de travail non-rémunéré que les hommes (2,1 fois plus en Europe) ; 75% du travail non-rémunéré dans le monde est donc assuré par les femmes.
  • En conséquence, le modèle de performance dominant, qui implique d’être complètement disponible et très mobile, défavorise les femmes.
  • Les femmes se voient apposer des biais inconscients: lors des évaluations de performance, les hommes sont plus souvent évalués sur leur potentiel, les femmes sur leurs succès. Elles sont aussi plus facilement que les hommes critiquées au moindre échec (cela a aussi pour conséquence une perte de confiance). Les mères doivent quant à elle répondre à des standards encore plus élevés, parce qu’elles sont présumées moins impliquées dans leur carrière.
  • 42% des femmes dans le monde pensent que leur style de management ne convient pas à la direction de l’entreprise, et 43% seulement des hommes cadres supérieurs ont la “forte conviction” que les femmes peuvent diriger.

Encourager la participation des femmes

  • Les femmes font face à diverses barrières qui les empêchent de participer au monde du travail, barrières qui sont aussi de la responsabilité des gouvernements: garde des enfants, système d’imposition, congés payés.
  • Parmi 10 critères d’inégalités identifiés, qui représentent 75% du gender gap, le rapport estime que l’Europe doit se concentrer sur deux d’entre eux : les femmes européennes font plus de travail à temps partiel, et elles font également plus de travail non-rémunéré que les hommes.
  • Certaines initiatives: la Belgique exige que les entreprises de plus de 50 salariés examinent leur gender gap et propose des solutions pour le réduire si nécessaire, la Suède offre 480 jours de congé parental, avec 60 jours réservés à chaque parent.

Créer des entreprises neutres du point de vue du genre

  • Bien que les entreprises disent entreprendre des actions en ce sens, ce n’est pas toujours visible dans les résultats. En 2016, 52% d’un panel de 233 entreprises en Europe et Turquie ont mis en place des mesures pour favoriser la diversité, mais ces entreprises ne comptaient en moyenne que 20% de femmes aux postes de direction.
  • Ce qui permet le changement est moins le nombre d’initiatives que la qualité et l’efficacité de leur mise en œuvre. En Europe et Turquie, en 2016,  62% des employé.es ne savent pas comment agir sur la diversité, et 12% que leur entreprise est efficace sur ce terrain.
  • Il n’existe pas de solution univoque, il s’agit de chercher à mettre en place un écosystème global. Les 5 axes principaux pour construire cet écosystème sont: engagement de la direction et du management, transparence et suivi des indicateurs, développement du leadership féminin (formation et coaching, sponsoring et mentorat, réseaux féminins), des infrastructures qui favorisent la diversité (flexibilité des emplois du temps, politique de congés prolongés, politique de retour à l’emploi), la mise en place de process et de mentalités inclusif.es (formations aux biais inclusifs et mise en place de mode de recrutement/promotion/évaluation qui débusquent ces biais).

Impliquer les hommes

  • Un quart des hommes ne sont pas convaincus de l’importance de la diversité .Au niveau mondial, en 2013, un tiers n’étaient pas conscients des difficultés rencontrées par les femmes, et 54% pensaient que les mesures pour favoriser la diversité étaient injustes à leur égard (66% parmi les 28% non conscients des difficultés rencontrées par les femmes). Les hommes peuvent encore se sentir menacés par les mesures qui favorisent l’égalité, qu’ils peuvent voir comme du favoritisme.

Le pipeline

  • A chaque niveau du “tuyau” de progression dans une carrière, les chances des femmes s’amenuisent (le “leaky pipeline”). Les entreprises doivent mettre en place des mesures à chacun de ces niveaux, chacun de ces plafonds de verre.
  • Chaque type d’industrie a ses spécificités: aux Etats-Unis par exemple, les industries de la tech peinent à attirer les femmes, tandis que d’autres industries ont des difficultés plus grandes lorsqu’il s’agit de leur avancement (secteur de la santé).
  • De manière générale, les modes de recrutement, d’évaluation et de suivi des carrières doivent s’assurer d’être neutres et centrés sur les performances. Les RH doivent être vigilants et s’assurer que les femmes postulent aux postes senior.
  • Les mesures pour faciliter l’équilibre vie professionnelle/vie privée sont également importantes, ainsi que la flexibilité, ou des mesures pour amoindrir les effets d’une pause dans une carrière. Les entreprises peuvent proposer des accompagnements personnalisés.

Déplacer le curseur dans les entreprises

  • Les entreprises doivent se transformer, réévaluer en profondeur leurs modèles d’efficacité et remettre en question la viabilité à long terme de leurs styles de management.
  • Les transformations requises pour assurer une égalité des chances doivent avoir lieu au niveau de la société en général, au niveau individuel, et au niveau de l’entreprise.
  • Au sein des entreprises, 3 axes:
          • La persistance – les meilleurs résultats prennent de 3 à 5 ans.
          • L’engagement de la direction – une diversité au niveau de la direction donne trois fois plus de chances que la diversité devienne une priorité à tous les niveaux de l’entreprise.
          • Les programmes globaux de transformation – certaines entreprises implémentent les transformation à tous les niveaux, et ont des roles models à tous les niveaux. Leur communication sur la question du changement permet de soutenir les politiques mises en place.

Voir plus loin

  • Les contributeurs interrogés (16, dont les noms et fonctions sont présentés p. 79 du document) donnent 10 adjectifs quant à ce que devraient être les entreprises égalitaires du futur :
        • Non-orthodoxes – prendre en compte les besoins de tous, pas seulement des groupes dominants
        • Polymorphes – permettre une diversité de mode de leadership
        • “Empowered” – où chacun.e a la possibilité de forger le futur
        • Multifacette – refléter la societé dans son ensemble et sa diversité de religions, de cultures et d’origines.
        • Méritocratique et juste – où chacun se sent traité de manière égalitaire, sans biais.
        • Bienveillante – dans un environnement non-violent, non-hiérarchique, sans peur.
        • Respectueuse – où les femmes sont considérées comme des égales et où chacun.e peut s’exprimer
        • Equilibrée – qui permet l’équilibre vie pro/vie privée, et qui comprend que l’efficacité n’est pas liée au temps de présence sur le lieu de travail.
        • Globale et agile – connectée et flexible
        • Inventive – “Un.e PDG visionnaire entouré.e de millenials audacieux et créatifs”