Iris ‘Callystoo’ Elbazis est entrée dans l’esport par Millenium. Après être passée chez Eclpysia et Thunderbot, elle a décidé de fonder sa société, le Wat Social Club, dont elle est présidente. Quel est son parcours ? Comment en est-elle venue à lancer sa boîte ? Portrait.

 

Passer de prof de SVT à Rédactrice en chef dans l’esport

 

Callystoo n’est pas entrée dans l’esport grâce à ses études. C’est à côté de ses études de biologie et physiologie du muscle qu’elle fait du bénévolat chez Thunderbot, une ancienne rédaction. « En 2014, j’ai voulu voir si je pouvais trouver un poste dans l’esport avant de commencer une nouvelle vie après avoir été étudiante. C’est là que j’ai trouvé un stage chez Millenium. » Au sein de la rédaction, qui était bien plus réduite qu’aujourd’hui, Callystoo gère le système de contributeurs et de bénévoles, jusqu’à ce qu’elle prenne à sa charge le portail de rédaction sur League of Legends. « Après le stage, j’ai obtenu un CDD de 11 mois ; ça pouvait aller de gérer les bénévoles et la ligne éditoriale, à faire des interviews vidéo. »

Sa première interview, elle s’en souvient encore. « J’étais en PLS mentale avant de commencer : j’étais à la finale des LCS à Cologne (Gamescom), entre Cédric Page et Corbier, et je devais interviewer le Head esport de Riot Games. » Pour réussir au mieux l’interview, Callystoo a appris la scène esportive sur le bout des doigts, que ce soit les joueurs, les résultats des matches, ou encore l’organisation de Riot Games. « J’ai une mémoire particulièrement bonne, donc j’ai appris des pages d’historique pour rattraper l’expérience qu’il me manquait dans l’esport. »

Sa passion pour le domaine remonte aux premières saisons de de League of Legends. « J’ai toujours aimé l’aspect compétitif des jeux. Sur World of Warcraft, je n’ai jamais lu une bulle et je ne connais pas la map en entier. Par contre, j’avais un très bon classement en PvP ! » Avec Riot Games, Callystoo ne se limite plus seulement à son jeu, mais commence à regarder des compétitions et s’intéresse à l’organisation esportive de l’éditeur du MOBA à succès. « J’ai trouvé passionnante cette façon de créer un micro-merchandising et de l’investir à perte en budget marketing pour l’esport. Ça m’a aussi faite sortir le cliché du geek. Je suis une fille et à l’époque, je n’osais pas dire que je jouais aux jeux vidéo, surtout que j’étais le type populaire et sportif. » Elle ne voit plus le jeu que comme un divertissement, mais comme un milieu à part entière et s’engage dans l’écriture, jusqu’à entrer chez Thunderbot et Millenium.

 

Callystoo lors de sa première interview, avec Jason Yeh.

 

Elle a aussi beaucoup de temps à y consacrer, car ne passe pas toutes ses journées à l’école. « J’ai pas mal séché les cours au lycée et au collège, j’étais dans une classe spéciale, pour les QI supérieurs, on va dire. On apprenait les programmes scolaires très vite, alors on avait pas de devoirs et des sorties scolaires la moitié de la semaine. » Pour les études supérieures, même chose en biologie : « Je révisais juste pour les partiels. J’adorais passer mon temps en amphithéâtre, mais je consacrais une grande partie de mon temps à l’esport. »

Revenons à l’époque Millenium : après plus d’un an passé dans la rédaction, le fameux rachat de Millenium par Webedia arrive et bouleverse la structure. Le CDD d’Iris se transforme en CDI, en tant que responsable du portail League of Legends, et elle multiplie ses missions au sein du groupe en faisant également de la voix-off pour jeuxvideo.com. Mais en 2017, Callystoo décide de quitter la société, avec Drijoka et Corbier avec lesquels elle travaillait depuis un moment, quand une opportunité se dessine chez Eclypsia, un autre média spécialisé dans l’esport. « Théophile Monier, chef marketing chez Millenium, avait repris la direction d’Ecplysia et je travaillais très bien avec lui ; j’ai donc rejoint la direction là-bas. » Elle devient alors rédactrice en chef du site Eclypsia, et ce jusqu’à ce qu’arrive les départs en masse de la société, qui a fait beaucoup parler en 2017. Elle y sera restée une année. « Lors de la période de licenciements et départs en masse, nous avons demandé une rupture conventionnelle avec Drijoka, avec qui je travaillais depuis Thunderbot, et nous avons fondé le Wat Social Club ! »

 

« Mon travail, c’est beaucoup de mots dits ! »

 

Chez le Wat Social Club, Callystoo adore tout ce qu’elle fait (sauf les mails ; on ne peut pas tout avoir). L’entreprise comprend quatre salariés, avec Drijoka, Corbier et Netsky. « On a fondé la société car on a prolongé ce que l’on faisait naturellement, c’est-à-dire aider à encadrer des talents. » Ils choisissent leurs collaborations selon le projet qu’ils souhaitent mener à bien et les aident sur leur relation avec des sponsors et partenaires. Parmi leurs clients, ils ont Lebouseuh, Pfut (streamers) ou encore Solary (équipe et Web TV sur League of Legends et Fortnite). « Mais comme la société ne peut vivre juste en prenant 10 % des bénéfices des talents, on fait aussi de la prestation de services via du conseil aux entreprises qui souhaitent se lancer dans l’esport : c’est de la communication et de la gestion de projets. » Drijoka et Callystoo se répartissent leurs clients, mais ils font sensiblement la même chose.

Quant à son quotidien, il change complètement d’une journée à l’autre. Callystoo peut autant discuter de projets que se déplacer en événement business to business ou aller conclure des partenariats au nom de certains clients. Le jour d’après notre interview, par exemple, elle se rendait aux Etats-Unis dans cet objectif. « Au final, mon travail, c’est… beaucoup de mots dits ! Je parle beaucoup sur mes journées car dans la gestion de talents, il faut répondre à des questions en étant très clair et précis. Quant aux clients, ils peuvent être occupés quand ils lisent nos mails, ce qui veut dire que l’on doit être attentifs. Au moindre malentendu ou manque de compréhension, c’est un bout de leur confiance qui part avec eux. »

Callystoo et Drijoka passent beaucoup de temps à comprendre la façon de travailler de leurs clients, mais font également des rappels réguliers à leurs clients, et… beaucoup de Google Docs. Pour ce qui est de la partie consulting, ensuite, cela leur nécessite d’introduire les entreprises au milieu de l’esport, ce qui devient une habitude. « Mon quotidien, c’est aussi le fait d’être une machine et de ne pas dormir beaucoup. Les heures de sommeil se comptent. Dans ce milieu, il ne faut pas avoir envie d’avoir son week-end et ses soirs off, ça n’existe pas. »

 

Callystoo a co-fondé le WAT Social Club.

« Entrer dans l’esport nécessite un combo de travail, de connaissances, d’engagement personnel et enfin, d’un coup de chance. »

 

Callystoo a construit elle-même son parcours dans l’esport et en fait son métier depuis plus de quatre ans. « Entrer dans l’esport nécessite un combo de travail, de connaissances, d’engagement personnel et enfin, d’un coup de chance. C’est ton travail qui te permets d’être là au bon moment. » Selon elle, le contre-exemple parfait est celui des passionnés qui abandonnent au bout de trois mois, ou encore ceux qui ne veulent compter que sur le réseau. « Il faut être un acharné du travail pour profiter d’une opportunité, et ça demande de rester avec les bonnes personnes et de garder une bonne ligne de conduite. Ce n’est pas une histoire de formation, mais une histoire de compétences. »

Quels conseils donnerait-elle à ceux et celles qui souhaitent entrer dans le domaine de l’esport ? Selon elle, « l’esport est assez bouché. Ça va se débloquer, mais ça ne sera pas si stable que ça donc je pense qu’il faut toujours prévoir un plan B ; faire des études normales, prendre un domaine qui intéresse et qui, de toute façon, forme à un process. » Objectif : éviter le chômage. Mais le plus important pour Callystoo, c’est le bénévolat par l’engagement dans une association esportive. « Il ne faut pas se prendre la tête sur le choix des études, car tout peut être lié à l’esport. En plus, faire des études dans un certain domaine est un avantage, car tu amèneras tes connaissances d’ailleurs dans le milieu de l’esport, ce qui veut dire plus d’idées et de diversité. Mais il faut vraiment entrer dans une association et proposer ses services ! »

Les bénéfices de cet engagement, c’est d’abord celui de rencontrer des personnes qui sont dans le milieu, mais aussi apprendre comment ça se passe de l’intérieur. Callystoo compare ça aux sportifs ou aux artistes, qui se sont formés en club de sport ou de théâtre ; pour l’esport, les structures qui forment, ce sont les associations. « En revanche, je pense que de moins en moins de personnes auront des opportunités au culot comme j’ai eu, en enchaînant les heures de boulot et de projets, parce que le bénévolat commence à être décrié. » Le bénévolat était sa ligne de conduite ; elle a construit son CV toute seule, en montant une Web TV de toutes pièces avec des collègues, ou encore en écrivant des articles post-matches chez Thunderbot. Autre conseil : pour elle, il est est indispensable de parler anglais et d’être polyvalent. « Les entreprises n’ayant pas beaucoup de budget, c’est compliqué d’engager une personne pour chaque spécialité. »

 

Callystoo a été rédatrice pour plusieurs sites web et pour la Web TV U MAD.

« La ténacité est une qualité essentielle, car le milieu est très fatiguant et difficile. »

 

Après quatre ans passés dans l’esport, c’est elle qui recrute, désormais. « La plupart des profils qu’on a sont des sortants d’études. Ils ont tenu 3 ou 4 ans dans des études ou un travail, ce qui montre qu’ils sont tenaces, mine de rien. La ténacité est une qualité essentielle, car le milieu est fatiguant et très difficile. » Leur société ne recrute pas en fonction des diplômes, mais en fonction de l’engagement des candidats dans le milieu et de leur ténacité. Pour leur entreprise en particulier, le rapport humain est également un élément central de leur travail.

« J’ai déjà reçu des CV de candidats qui sortaient d’une école d’esport. Tous les codes des écoles de commerce y étaient. » Les écoles et les formations esportives sont apparues en France il y a quelques années. Si elles se multiplient, elles suscitent beaucoup de controverses dans la communauté. « Le problème de ces écoles, c’est qu’elles forment à beaucoup de choses similaires qui ne reflètent pas du tout ce que le Wat Social Club fait. Peut-être que ça correspond à d’autres boîtes, mais ce n’est pas le cas pour nous. » Si elle ne sait pas encore quel impact ces écoles peuvent avoir sur leurs étudiants, elle pense personnellement que c’est une erreur de s’y investir corps et âme, car la meilleure école de l’esport, c’est encore le bénévolat.

Merci à Callystoo de nous avoir accordés du temps ! Vous pouvez la retrouver sur son Twitter et son LinkedIn. Le site web du WAT Social Club se trouve à cette adresse.